Dimanche 20 octobre 2019 – Centre Animation Montparnasse Paris

Association Française de Musicothérapie : La supervision en musicothérapie : quelles modalités pratiques ?

Cette journée d’études se proposait d’apporter une réflexion à propos de la forme d’accompagnement nécessaire aux musicothérapeutes professionnels (supervision, Intervision, analyse de pratique, guidance..).

Les échanges portaient sur les cadres et dispositifs généraux de la supervision en musicothérapie repérés en France, voire à l’étranger, à partir de quelques interventions spécifiques, suivies de discussions entre les personnes présentes.

Les participants ont été amenés à réfléchir au sujet de la spécificité de la supervision en musicothérapie (formes d’écoute, formes d’intervention, obstacles..). Il s’est agit de tenir compte de la double polarité de notre discipline, orientée tant du côté des processus psycho dynamiques actifs en séance, que des interactions sonores et musicales entre le(s) patient(s) et le(s) musicothérapeute(s).

Cette journée de travail a été enrichie par une intervention du Professeur Gilles BOUDINET au sujet de la restructuration par les arts et les langages artistiques du langage verbal auprès des publics scolaires en grande difficulté.


Voici le témoignage des 4 membres de MUS’E ayant participé à cette journée :

Michel Jouany, président MUS’E

Il était question du concept, global, de supervision, afin d’en mieux cerner l’éventail des acceptions possibles, aussi singulières soient-elles, tant pour leurs pratiquants que pour leurs bénéficiaires.

Depuis une définition très managériale et très anglo-saxonne, volontairement provocatrice de la part d’une association plutôt encline à la subtilité psychanalytique, il est très vite apparu, au gré des communications de qualité et des échanges nourris, que supervision, intervision, super et inter-auditions, pouvaient être envisagées et élaborées différemment selon le nombre, la qualité, l’historique et les objectifs des personnes concernées.

Cependant, quelques nécessités d’invariants fondamentaux se sont progressivement mis au jour :

— Le choix prépondérant du superviseur selon ses compétences spécifiques, et sa ‘’distance’’ à la profession.

— Le volontariat, l’engagement, la mise en disponibilité, la participation active et l’avenir des supervisés.

— Enfin la différentiation évidente entre supervision individuelle et de groupe, homogène ou transdisciplinaire.

Ce qui n’a pu que stimuler notre réflexion pour une proposition à venir lors des prochains collectifs associatifs de MUS’E, réunissant les intervenants et les bénévoles, œuvrant ensemble en intelligence collective, grâce à la mise en place d’une supervision en inter-audition !

Céline Bonnaventure, secrétaire MUS’E

La supervision en Musicothérapie quelles modalités pratiques ?

Il ne suffit pas de demander à Google pour répondre à cette question tant elle est complexe. Après un tour d’horizon de différentes formules proposées – très vastes et cherchant à répondre au mieux à la demande très forte des thérapeutes-, un témoignage à 2 voix bouleversant, émouvant qui traduit bien la détresse du musicothérapeute et le travail de Titan de son superviseur qui s’en remet à l’art pour lui répondre, vient la présentation des groupes Balint dans lesquelles « l’impasse du début devient un bouquet de potentiels ». Ça laisse songeur…

Le professeur Boudinet nous offre des parenthèses philosophiques sur la mimesis, l’indicible et l’ineffable, le sublime, et enfin la tension avec les mots.

Toutes ces réflexions nous amènent à nous questionner sur la place de la parole en supervision. Et comme « le sonore c’est aussi le silence » je reste songeuse devant ce marché naissant et prometteur qu’est la supervision…

Sylvain Guipaud, intervenant théâtre, médiation corporelle, pédagogie perceptive

Merci à MUS’E de m’avoir proposé et pris en charge cette journée. J’y suis allé pour participer à une dynamique du collectif et pour en savoir plus sur la musicothérapie et la supervision. Voici comment ça a raisonné en moi et ce que j’en ai retenu, en complément des autres témoignages.

La supervision n’est pas aisée à mettre en place malgré une demande et un besoin qui émergent après un temps de pratique professionnelle depuis l’obtention du diplôme de musicothérapeute. La supervision nous vient du monde de l’entreprise pour améliorer la productivité et sans doute la rentabilité. La supervision, d’après les témoignages, en musicothérapie c’est avant tout  » faire du mieux pour faire du bien » . La notion de temporalité est importante, le temps laisse la place pour l’écoute, une écoute en fonction du besoin et des circonstances.

  • écouter le thérapeute pour analyser sa pratique afin de l’ajuster au mieux à la demande et au besoin du patient ou de l’institution. Cela permet aussi de bien cerner les problématiques du musicothérapeute et celles du patient.
  • écouter l’humain, sans qui le thérapeute se serait pas là et qui lui donne son identité professionnelle.

Au sein d’une supervision, il faut une écoute mutuelle et consentie de chaque partie.

Je reprendrai ici quelques phrases que j’ai noté de l’intervention du Professeur Boudinet  :

  • outil du langage  = outil de construction de sens et de construction de soi – Permet une mise en symbolisation de l’univers sonore.
  • L’art est le médiateur d’un passage (apprentissage) d’une posture d’imbrication (incapacité d’accéder à un imaginaire) à une posture de distanciation.
  • processus répétitif : la répétition structure, crée de la métrique, sécurise, génère de la variation.
  • Enfance (selon JF Lyotard) : disposition permanente (faculté à s’émerveiller) à s’ouvrir à ce qui n’est pas encore su, mais déjà présent, bref à apprendre.

Voilà les priorités que je dégage de cette journée. Les apports ont été très riches et profonds, en présence de personnes engagées dans la médiation sonore.

Isabelle Marié-Bailly, musicothérapeute, phoniatre, directrice de formation MUSE

Partager tout d’abord, mon grand plaisir de vivre avec d’autres membres, intervenants et bénévoles de MUS’E, cette journée d’études, simple et conviviale dans sa forme, dense et riche dans ses contributions sincères et touchantes sur le thème de la supervision, laissant entendre, en première écoute, un processus surplombant de vérification ou d’inspection du travail effectué.

Au contraire, il s’agit d’un échange entre un superviseur, dont les qualités primordiales sont sa capacité à écouter et à parler la langue des personnes supervisées, dans un espace-temps spécifique de liberté d’expression, où le regard tiers favorise un échange, une alliance, un questionnement sur les diverses pratiques en musicothérapie.

Ni thérapie, ni formation, la supervision, selon le modèle des groupes Balint, est un dispositif permettant l’analyse de situations cliniques, laissant place à l’expression des affects dans la relation soignant/soigné, selon une chaîne associative des pensées, sans interprétation.

Vous partager mon émotion et mon intérêt porté au témoignage à 2 voix par Isabelle Julian et Christine Falquet, d’une expérience de supervision individuelle d’un atelier de communication sonore en psychothérapie de groupe :

  • Supervisée : support de projection et de symbolisation, permettant une intelligibilité, une mise en problématique sur des retours d’expériences émotionnelles, restitution à partir d’observations, d’atmosphères éprouvés, de difficultés et des ajustements à opérer  ; écoute d’enregistrements d’improvisations sonores en ateliers, rêverie partagée, jeux de pensées et d’affects, offrant de nouvelles clés de compréhension, des hypothèses, des lectures différentes, ouvrant à l’espoir, faisant croître la coopération et la créativité du groupe… ; Identité narrative, jeu transférentiel à démêler, afin de mieux saisir ce que le groupe cherchait, travail d’interprétation et de représentation pour relier les éprouvés, qui donne une cohérence et élargit les capacités narratives du groupe : Co-narration transformante ou transformation co-narrative; Confiance, aire de jeu et de plaisir.
  • Superviseuse : cheminement partagé, co-construction mouvante, invitation à jouer en sonore, afin de laisser surgir l’essence, le « fond du son », déconstruction, résonance sur nos structures, le silence mortifère, la violence des équipes soignantes et des institutions, la créativité des patients pour se faire entendre ; miroir visuel par des dessins synthétisant l’échange, offrant un fil conducteur cohérent, le ré-accordage des multiples sensorialitésL’objet sonore « mille-feuille » permettant la reconstruction en soi d’une nouvelle « écoute augmentée », des points de capiton (Lacan), des fils à déployer ou à couper, à vérifier dans l’inscription dans le temps, procéder à un re-feuilletage à partir des processus mentaux absents, de l’observation de la sensorialité, en acceptant d’être traversé, bouleversé par les émotions… Dégager le terrain, et déployer une pensée plus profonde, dans le souffle, source vive, joyeuse, puissante, reliée au corps. Force de proposition, sur une route commune, boussole… Co-écoute transformant le matériel remis en perspective, méta-cadre, méta-miroir sonore tiers, discrimination sonore avec le silence, cadre souple, profond, cheminement intérieur ouvrant à l’avenir.

Résumer la passionnante intervention du Professeur Boudinet (science de l’éducation et philosophie du langage) sur  » la restructuration par les arts et les langages artistiques, du langage verbal auprès des publics scolaires en difficulté »

2 postures langagières :

  • Imbrication: sujet non distancié, bouclé dans les signifiants du langage « ses mots, c’est son corps « 
  • Objectivation: parole distanciée ; le langage est un outil de construction du sens

Postulat : L’art favorise le passage de l’imbrication vers l’objectivation. Passage de l’indicible à l’ineffable : la musique est l’ineffable !

La création sonore, l’élaboration d’une trame musicale, ouvre à une « épaisseur signifiante sonore ». Le mot est débordé par un trop plein. Sentiment esthétique du sublime. Mise en œuvre du langage imagé par la métaphore, par analogie associative, très présente en supervision.

La présence d’un tiers, accompagnateur permet au supervisé de retrouver la trace vive de « l’Enfance »(JF. Lyotard), disposition anthropologique essentielle à recevoir un « cachet étranger » , à ressentir le choc de « l’épaisseur sonore », faculté d’apprendre. Le rôle des arts est de sauvegarder cet état d’enfance, sensible à la « phone » (le timbre de la voix) plus qu’au « lexis » (la forme grammaticale du langage).

Edith Lecourt conclut en nous invitant à nous interroger sur :

  • la place de l’émotion esthétique dans les séances de musicothérapie
  • l’étonnement, la surprise, le rythme, le contre-temps…
  • la fonction du tiers sonore en supervision, la possibilité de partage sans la parole

Que de jolies perspectives pour l’équipe de MUS’E, en découverte de tous les possibles en intelligence collective, dans l’émerveillement !

Merci à l’équipe de l’AFM pour cette initiative, à renouveler. MUS’E y sera.